La prière du coeur by Olivier Clément & Jacques Serr

La prière du coeur by Olivier Clément & Jacques Serr

Auteur:Olivier Clément & Jacques Serr [Clément, Olivier & Serr, Jacques]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2-85589-096-5
Éditeur: Abbaye de Bellefontaine - 1977
Publié: 2015-04-07T16:00:00+00:00


L'état métanique

Le cheminement vers le "lieu du cœur" comporte trois grandes étapes, qui se suivent moins qu'elles ne s'assemblent. La première, c'est la métanoia, le repentir. La deuxième, c'est l'unification extatique de l'homme, au creuset de la grâce. Et la troisième, c'est la participation à la lumière thaborique, aux énergies divines, grâce à la rencontre personnelle du Christ, face au Père, dans le royaume de l'Esprit. Cette lumière est déjà celle de la Jérusalem nouvelle. Chaque fois qu'un homme s'ouvre à cette lumière, ce monde finit et le monde nouveau commence. Vous, les moines, vous êtes appelés à saturer la création de Parousie, à mettre du brasier dans le bois mort des choses. Tout ce que nous, laïcs, pouvons faire de vrai, de bon et de beau dans la société et la culture prendra place dans le Royaume grâce à cette brèche eschatologique que vous ouvrez, que vous constituez.

La première étape - et le soubassement des deux autres -, c'est donc l'étape du repentir, la praxis, l'action ascétique. Pour l'Orient chrétien, qui n'aime pas opposer, et qui reste pudique et presque secret sur les aboutissements de la vie spirituelle, il n'y a pas d'opposition entre action et contemplation : l'action suprême, c'est l'œuvre de la prière. Qui se voue à la praxis ascétique est le seul véritable actif, les autres "actions" humaines sont si souvent le résultat gesticulant d'une grande passivité intérieure, d'une soumission inconsciente aux passions individuelles ou collectives.

"Le repentir, dit saint Isaac le Syrien, convient toujours et à tous, au pécheur comme au juste", et il ajoute : "Jusqu'au moment de la mort, le repentir ne saurait être achevé dans sa durée ni dans ses œuvres[79]." Les plus grands ascètes, comme Sisoès le Grand, affirment sur leur lit de mort : "Je n’ai même pas conscience d'avoir commencé à me repentir[80]." Les moines, sachant Sisoès gravement malade, s'étaient réunis à son chevet pour obtenir de lui un ultime message. Ils n'en obtinrent pas d'autre, mais il était décisif.

Dans cette attitude de repentir, la prière de Jésus est essentiellement celle du publicain de l’Évangile : "Seigneur, aie pitié de moi, pécheur". Elle se dit souvent - quand on peut le faire loin de tout regard - avec de grandes ou petites prosternations, que l'on appelle "métanies" (c'est le mot même qui signifie repentir).

Ce repentir a un sens profondément personnel et ontologique, bien plus que moral. Métanoia vient de méta, qui marque un retournement, et de noéô, qui signifie notre saisie du réel, individuelle et collective. La conscience, détachée du cœur, est abandonnée aux pulsions de la nature et aux hypnoses de la culture. Elle ne cesse de projeter sur la création de Dieu, ontologiquement bonne ("et Dieu vit que cela était bon", dit la Genèse), ce que les spirituels appellent "une toile d'araignée", "un songe", "un mirage"[81], se faisant ainsi complice des artifices du "père du mensonge". Ici encore, il faut entendre "mensonge" au sens personnel et ontologique, "an-ontologique" plutôt, la liberté révoltée, fourvoyée, assurant au néant comme une existence paradoxale.



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